Apprendre et rebondir après un échec

Nos actes et nos projets n’aboutissent pas toujours au résultat escompté. Nous parlons alors d’échec, avec des connotations plus ou moins honteuses et douloureuses. Pourtant l’échec est une incontournable source d’apprentissage, et nous avons tous, à plus ou moins long terme, la capacité de réussir. À condition de ne pas nous identifier à nos échecs et de conscientiser nos motivations profondes. Le jeu des échecs l’enseigne bien : être échec n’est pas synonyme d’avoir perdu. Rien n’est perdu tant qu’on n’est pas mat !

Echec, un mot tabou

L’échec, voilà un mot que nous n’aimons pas prononcer ni même envisager. La définition qu’en donne le dictionnaire Larousse marque en effet son aspect négatif et passif : « Résultat négatif d’une tentative, d’une entreprise, manque de réussite ; défaite, insuccès, revers : subir un échec ».

De même le verbe échouer signifie : « Toucher accidentellement le rivage ou le fond et s’y immobiliser ».

Wikipédia relativise un peu cette dimension négative en définissant l’échec comme : « Une situation qui résulte d’une action n’ayant pas abouti au résultat escompté ».

Voilà qui nous permet de considérer l’échec non comme un absolu, mais comme une donnée à mettre en relation avec nos attentes. Un résultat non atteint nous indique peut-être que nos attentes étaient démesurées ? que l’objectif fixé n’était pas réaliste ? ou le délai trop court ? ou peut-être montre-t-il simplement notre exigence de perfection excessive ? Si nous nous remettons en mouvement, nous nous offrons la chance de réussir plus tard !

La réussite, sur le long terme, est toujours une succession d’échecs et de succès comme l’a synthétisé Lao Tseu dans cette maxime paradoxale : « L’échec est au fondement de la réussite ».

Quelques siècles plus tard, le romancier à l’humour brillant Oscar Wilde conseillait : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles ».

On rêverait que nos échecs soient faits de poussière d’étoiles… Question de regard !

Chercher sa voie

Un regard qui peut être personnel mais aussi culturel. Dans son livre Les Vertus de l’échec, le philosophe Charles Pépin souligne les différences de point de vue entre les Français attachés au résultat et les Américains champions de la prise de risque : « Avoir échoué, en France, c’est être coupable. Aux États-Unis, c’est être audacieux. Avoir échoué jeune, en France, c’est avoir échoué à se mettre sur les bons rails. Aux États-Unis, c’est avoir commencé jeune à chercher sa propre voie ».

Édifiant ! Chercher sa propre voie implique naturellement de tester plusieurs chemins avant de choisir le bon, c’est-à-dire le sien, celui qui correspond à nos valeurs et à nos besoins. Parfois nous donnons la priorité à certaines valeurs au détriment d’une reconnaissance sociale ou financière, dans le cas par exemple d’un artiste qui n’a pas encore eu les honneurs des médias ou d’un travailleur
social engagé dans un travail de prévention dont les effets ne sont pas directement visibles. Le sentiment d’échec peut alors être cuisant… et usant. Il s’agit alors de reconnaître la subjectivité de la notion d’échec : pour qui et de quel point de vue est-ce un échec ? pour la société, pour notre groupe familial, peut-être, mais au regard de nos propres valeurs n’est-ce pas plutôt un signe de persévérance ?

Diverses maximes populaires restituent cette relativité de l’échec « Qui ne se plante jamais n’a aucune chance de pousser » ou encore « Ne pas essayer c’est 100% d’échec », qui nous ramène à l’immobilité liée au verbe échouer. Sans parler des génies comme Einstein qui disait que sa poubelle était pleine de ses erreurs, ou Spielberg qui fut refusé trois fois par une école de cinéma.

Une vision qui nous pousse à tenter notre chance et nous rend acteurs de notre vie, quel que soit le résultat.

Le processus essai-erreur

S’il y a une notion plus importante que le résultat, c’est bien l’apprentissage que nous tirons de toutes nos expériences. Nelson Mandela a dit :

« Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends »

Cette maxime résolument positive nous engage à considérer l’échec comme une opportunité d’apprentissage, ce qui est d’ailleurs un des principes prônés par la Discipline Positive pour une éducation bienveillante visant à l’autonomie de l’enfant. « Un échec est un succès si on en retient quelque chose », confirme Malcom Forbes, patron de presse américain. Respirez… et savourez le soulagement de porter sur vous-même un regard bienveillant et encourageant : j’ai fait de mon mieux mais je n’ai pas atteint ma cible, alors j’observe ce qui n’a pas fonctionné et je modifie mon comportement (ou d’autres paramètres) pour essayer encore…

Fabienne Broucaret, co-fondatrice du magazine en ligne « My Happy Job » dédié au bien-être au travail, souligne cette « vertu de l’échec : nous offrir un temps d’arrêt, d’examen, de retour sur soi ; nous offrir la chance d’arrêter d’avancer pour un moment d’introspection, acquérir de nouvelles bases et de nouvelles compréhensions ».

En tant que coach, nous pouvons aider notre client à comprendre son comportement en utilisant le modèle des états motivationnels d’Apter. Nos comportements sont conditionnés par l’état présent de nos émotions et de nos motivations. S’ils ne sont pas adaptés à la
réussite d’un objectif donné, il est essentiel de reconnaître les états internes qui en sont à l’origine. Grâce à la théorie du renversement d’Apter, nous pouvons alors modifier le comportement en « renversant » la motivation, c’est-à-dire en proposant à notre client d’explorer l’état motivationnel opposé. C’est un outil précieux pour éviter l’échec ou rebondir après avoir échoué.

Un autre processus d’apprentissage a été identifié et structuré par des professionnels de la gestion de projet sous le terme faussement désespéré de « post-mortem ». Cette pratique consiste, peut-on lire sur le site internet de Multiplemedia, « à faire le bilan de toutes les étapes d’un projet, les défis rencontrés, les solutions trouvées depuis la conception du projet jusqu’à sa livraison. L’objectif de ce bilan est de déterminer les aspects positifs à conserver et de pouvoir analyser les sources des problèmes rencontrés afin d’y trouver des solutions préventives à appliquer dans les projets futurs ». Un processus nécessaire après un échec mais aussi, on le voit clairement, à l’issue de toute expérience !

Encore faut-il, pour tirer un enseignement constructif de notre échec, ne pas se confondre soi-même avec ses actes, ses comportements, et donc ses résultats. « Si tu peux rencontrer triomphe après défaite Et recevoir ces deux menteurs d’un même front », clamait déjà Rudyard Kipling dans le célèbre poème If.

Comme l’enseigne la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), nous avons des comportements, nous ne sommes pas nos comportements. Charles Pépin redéfinit ainsi l’échec pour le mettre à la bonne distance :

« L’échec n’est pas celui de notre personne, mais d’une rencontre entre un de nos projets et un environnement ».

Le sentiment d’échec

Au fond, vous saviez peut-être déjà qu’il est précieux de relativiser l’échec, de ne pas s’y identifier et d’en tirer les enseignements. Pourtant l’échec reste effrayant et douloureux. D’où viennent la peur d’échouer et son corollaire, la honte d’avoir raté son but ? « Ce qui transforme une erreur « normale » en échec douloureux, c’est le fait de mal la vivre : le sentiment de l’échec. La culture de l’erreur protège du sentiment d’échec », poursuit Charles Pépin.

Après un échec, le sentiment peut être fort d’avoir tout perdu ou d’être incapable. Une avalanche d’émotions qui peut nous mener au désespoir ou à la dépression. Il est alors utile, en tant que coach, d’utiliser la courbe de deuil pour accompagner les personnes « en échec ». Cette célèbre courbe élaborée par le docteur en soins palliatifs Elisabeth Kübler-Ross peut aider notre client à traverser et dépasser ses émotions, afin d’accepter la réalité puis de se reconstruire. Ce processus de résilience peut aussi aider la personne à lancer d’autres projets de vie et affronter la possibilité qu’ils n’aboutissent pas. La chute paraît moins grave lorsqu’on connaît ses capacités à rebondir.

Prendre conscience de nos stratégies d’échec

Mais en amont de l’action, notre peur de l’échec est sans doute liée à la sensation d’un danger, soit parce que nous manquons de maîtrise, soit parce que nous craignons le jugement de l’autre.

C’est alors que nous pouvons aller jusqu’à développer ce que Sylvaine Pascual, coach spécialiste en « job design », nomme des stratégies d’échec. Oui, vous avez bien lu, stratégies d’échec ! deux mots qui semblent porter des intentions absolument incompatibles. Inconsciemment, nous adoptons de telles stratégies, explique-t-elle, « parce que quelque chose nous chiffonne dans l’atteinte d’un objectif qui pourtant nous tient à cœur », par exemple si réussir implique un changement brutal ou un bouleversement émotionnel, ou encore des conséquences qui ne correspondent pas à notre image de soi… ou bien si la réussite risque de nous faire perdre un bénéfice secondaire lié à la situation actuelle. Lorsque ces éléments ne sont pas conscientisés, nous risquons alors d’éviter la réussite : par exemple en arrivant en retard à un examen, ou en bâclant un dossier déterminant pour une promotion. « Nous avons vite fait ensuite de nous poser en victime de circonstances qui ont abouti à l’échec », tranche-t-elle. La boucle est bouclée. Pour éviter victimisation et culpabilité, la solution est donc de prendre conscience de nos besoins cachés, de se donner le droit à l’erreur. Accepter d’apprendre dans un processus d’essai-erreur, c’est endosser notre responsabilité en alliant bienveillance et capacité à rebondir.

Exercices pratiques :

Réalisation d’un post-mortem :

Fabienne Broucaret, co-fondatrice du magazine en ligne « My Happy Job » dédié au bien-être au travail, livre quelques conseils pratiques pour mettre en application la vision optimiste de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ».

  1. Premier conseil : changer de regard… en se posant la question « Qu’est-ce que cette situation vous apprend sur vous-même, votre relation aux autres, vos limites et vos besoins essentiels ? » puis en listant vos ressources (qualités et compétences).
  2. Deuxième conseil : prendre du recul. « Imaginez le regard que vous porterez dessus dans un, cinq ou dix ans ? » Voilà de quoi relativiser un échec !
  3. Troisième conseil : avancer. Quelles sont les perspectives nouvelles que vous ouvre cet échec ? c’est le moment de « fixer de nouveaux objectifs réalistes, planifiables dans le temps et raisonnables. Et s’y tenir ! »

Extrait du livre Les Vertus de l’échec, de Charles Pépin

« Avoir échoué, en France, c’est être coupable. Aux États-Unis, c’est être audacieux. Avoir échoué jeune, en France, c’est avoir échoué à se mettre sur les bons rails. Aux États-Unis, c’est avoir commencé jeune à chercher sa propre voie.

Au fond, ce qui transforme une erreur « normale » en échec douloureux, c’est le fait de mal la vivre : le sentiment de l’échec. La culture de l’erreur protège du sentiment d’échec.

Trop souvent, nous voyons l’échec comme une porte qui se ferme. Et si c’était aussi une fenêtre qui s’ouvre ? C’est en tout cas le sens étymologique du mot crise, qui vient du verbe grec « krinein » signifiant « séparer ». Dans la crise, deux éléments se séparent, créant une ouverture, un espace dans lequel il va devenir possible de lire quelque chose. Au sens propre, une faille : une ouverture qui donne à voir. Les Grecs utilisaient le terme « kaïros » pour désigner ce moment où le réel se révèle à nous de manière inédite, « kaïros » pouvant se traduire par « occasion favorable » ou par « moment opportun ». Affirmer que la crise est un « kaïros », c’est la voir comme une occasion de comprendre ce qui était caché, de lire ce qui était recouvert.

L’acte manqué, dit en substance Freud, c’est l’inconscient qui réussit à s’exprimer.

Faire l’expérience de l’échec, c’est éprouver son désir et se rendre compte qu’il est parfois plus fort que l’adversité. D’abord perçus comme des culs-de-sac, certains échecs sont in fine moins des impasses que des carrefours. En découvrant ces parcours de vie, on songe à la métaphore du rocher que développe Sartre dans L’Être et le Néant : « Tel rocher qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer sera, au contraire, une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage.

Toute identification excessive comporte une dimension mortifère, une fixation. Or, la vie est mouvement. C’est cette vérité, héraclitéenne, que nous oublions lorsque nous nous focalisons sur notre échec. Pour mieux vivre l’échec, nous pouvons déjà le redéfinir. L’échec n’est pas celui de notre personne, mais celui d’une rencontre entre un de nos projets et un environnement. Notre échec est alors bien « le nôtre », mais sans être celui de notre « moi ». Nous pouvons et devons l’assumer, mais sans nous identifier à lui.

L’échec nous fait mal parce qu’il vient fissurer notre carapace identitaire, notre image sociale, l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes. Parfois, seule l’expérience de l’échec permet de mesurer combien cette identité sociale nous réduit, nous coupe de notre personnalité profonde, de notre complexité.

Il est possible de vivre son existence entière sans jamais rien oser, en ne faisant que des choix raisonnables, en attendant toujours pour agir que les cases du tableur Excel soient correctement remplies. Mais à quel prix ? Se comporter ainsi, c’est s’interdire toute réussite d’envergure et échouer à se connaître vraiment. Même lorsque notre audace n’est pas couronnée de succès, elle est encore la preuve que nous avons le sens du risque, que nous sommes capables de véritables décisions, et pas simplement de « choix » logiques.

Café coach organisé par Co&Axial et animé par Bertrand Mangin le 11 février 2021 sur le thème de l’échec

Article rédigé par Carole Testa – 25/02/2021

Participants au café coach

(par ordre alphabétique)

Anais COLETTA
Béatrice MASSON
Carole TESTA
fabienne DELLA NAVE
Magda GALKIEWICZ
Nathalie CORTI
Vanessa ACCETTOLA

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